Zurück! Zurück!
Zurück! Zurück!
Du Höllische Schlange !
Lass Gottes Licht
Dir brennen!
Cette nuit m’est apparu
En rêve cru et clair
Celui qui m’a perdu
Dans ses fils, ses éclairs :
J’étais, en ce grand songe,
A Lipsia l’invité
Dans un manoir que rongent
La pluie, la pauvreté
Y logeaient cent garçons
En âge de chanter
Venant des basses régions
Apprendre, dormir, manger
Le lieu était ployé
Sous le poids de l’histoire
Ici fut longtemps employé
Le vieux Bach, d’heureuse mémoire
Et moi, je me trouvais
En ce délire délicieux
Chargé des mêmes traits,
Habits, talents mélodieux
On me chargeait de donner
Comme aux temps d’autrefois
L’oratorio tant vénéré
De Noël, fleuron de la foi
J’apportais, presqu’aux anges
Tout le menu nécessaire :
Timbales, cuivres, et les phalanges
De cordes et bois, pour ces airs
Je m’affairais à établir
Ordre, calme et silence
Chez mes choristes, avec ire
Impatience, véhémence
Mais tout ce chaos bruyant
Résistait à tout départ
Le chœur dispersé
Vaquait en mille parts
Il y avait – était-ce mon temps ?
Caméras tout autour
Moniteurs et écrans
Surveillaient chaque détour
Je ne sais qui j’étais
Dans les os du Vieux Maître ?
Qui sans trêve tentait
Que son œuvre puisse naître ?
Ou étais-je en mon temps
Des lignées de génie
Un lointain survivant
Aux forces flétries ?
Je frappais telle cloche
Martelais tel autre gond
Mais, ni blanche, ni croche
N’entamaient même un son
Mais, alors que nuit presse,
Je crains me réveiller
Grand regret et détresse
Sur un concert raté
Car d’ordinaire mes nuits portent
Par leurs délires fertiles
Leur brassée d’idées fortes :
Mélodies, vers fébriles
Et dans ce monde sans bornes
Mon chant, mon émotion
Reçoivent d’Abondance et sa corne
Un ramage d’exception
Mais cette nuit, chaque départ
Chaque mesure espérée
Est meurtrie sans égard
Par des foules affairées
Mes chanteurs sont perdus
Dans toute cette agitation
L’orchestre, à peine pourvu
Semble ignorer l’invitation
D’étranges hommes d’affaires,
D’intérêt ou de main
Dérangent les rangs déjà clairs
Des chantres et musiciens
Ils veillent aux sigles brodés
Sur chaussures, vêtements
Nulle marque associée
A ce moment fervent
Ils interrompent, interviennent
Contrôlent et empêchent
Qu’à cela ne tienne
Moi, je me dépêche
Je veux faire tonner
Les timbales de gloire
L’incipit d’or adossé
A ce divin Oratoire
Mais, par la rage emporté
- Le délai est sans fin !
Je décide d’entamer
Un nouveau et propre refrain :
Un hymne tragique
Vengeur et plein d’ire
Façant les tactiques
Qui ruinent mon rêve, mon délire
Et, de ma bouche en feu
Sort le torrent d’un orchestre :
Un pas grave, majestueux
Élevé, tel un fleuve alpestre
Ce ne sont ni la joie
De Pâques ou de Noël
Mais alarmes et effrois
Peur de perdre ce ciel
De beauté et de grâce
Que sont Foi et Musique
Qu’ont laissé comme trace
Les Maitres antiques
A peine quelques traits
De puissante mélopée
Et un nouvel attrait
Viens couper ma lancée
Il est vêtu de blanc
Pas une aube modeste
Mais une pelisse coulant
En pans soyeux et lestes
A son cou, une chaine d’or
Grosse comme une amarre
A ses poignets encore
De lourds joyaux le tarent
Une montre d’or luit
Des chaussures de veau pâle
Une peau noire comme la nuit
Des insignes, un châle
Je ne sais ce qu’il me dit
Me propose, ou me vend
Mais mon for a compris
Je fais face à Satan
Tout à coup je saisis
Cette alliance de torts
M’ayant toujours poursuivi
D’argent, de fiel et de mort
A chaque don d’En-Haut
Grâce du Créateur
M’arrivait en écho
Tel écart tentateur :
Un vrai métier, une bonne place
Pour perdre temps, ma vie même,
Dans ces tours de glace
De béton, d’acier blême
Sans laisser d’autre trace
Dans l’âme, le cœur des humains
Que quelques traits fadasses
De marketing malsain
Ici, L’ébène corrompue
D’esclaves de nouveaux crimes
M’invitait, repue
En ses clinquantes cimes
Je décidais, redressé
De mettre un terme rapide
A mon rêve entravé
Par ces clans morbides
Et je me réveille
Tout habité de mon chant
Quand même le sommeil
Et l’oubli chancelant
En mon esprit révolté
Par ces années de traque
De trappes, de pièges liés
Ces poisons qui détraquent
Me chante à moi-même
En éternelle mémoire
Les mots qu’au diable d’ébène
Dieu me fit dire ce soir :
Arrière ! Arrière !
Serpent infernal
Que de Dieu la lumière
Consume ton mal !