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Tedda

Ton sourire à peine esquissé
que seule une vie de bonté
et de temps donné
peut graver, sans mentir,
dans les replis de la vieillesse

Ton cœur, ce flot de larmes
tièdes comme le lait du soir
mêlé au miel et au beurre de ferme
Et je m’endormais

Ta main noueuse mais grande
étrange, comme d’une noblesse sans nom
sans arme ni blason

Je te sauvais des douleurs
car en cette main servante,
il y avait un clou ancien
qui liait ta vie modeste
à celle du Sauveur

Et je me croyais grand médecin
à peine 10 ans, déjà un peu fier
de savoir colorier, bien entre les lignes
Ma main dans la main
telle la rive qui guide
le ruisselet rieur

La gravité des temps
s’arrêtait, rien que pour toi,
ta vie simple et claire comme une ostie
pour ta foi sans réponses
ton espoir sans serments ni promesses

Au village, tu étais comme la fleur
dans le champs béni de rosée
Un souvenir clair et pur comme
le vent du printemps
Ses rues remontaient
de la glaise de l’usine,
du rougeoiement des hauts-fourneaux, au loin
vers un arc de clarté, vers un buisson de lilas
enivrant la jeunesse qui passait en riant

Votre maison de belle famille
sa façade bleue et rêche vous obligeait
à la droiture, au service
On y montait quelques marches,
étais-ce un temple ?

À la ville, plus tard,
toi et tes sœurs marchaient
droites et élégantes, on aurait dit
des fleurons secrets de la Résistance
en mission sans retour
Ton petit métier de femme
à la poursuite du bien, et du mal
selon les us des hommes,
en un monde fait tout juste pour eux,
pour oublier les ventres fanés
de leurs propres mères

Nous, tes trois anges blonds
nés du nid d’à côté
Tu nous avais apporté tant de brindilles
que ton nid, tu ne le fis pas :
Tu serais pour toujours,
notre Marraine bien-aimée,
notre chère Tedda

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