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Peinture sauvage

Tous les matins, je m’échappe
De la loi des enclos, des murés
Et ma vie, je l’attrape
Par sa manche déchirée

Je suis peintre de naissance
Je suis née comme cela
Pas d’autres connaissances
Que pinceaux et canevas

On me disais sauvageonne
Inapte aux beaux-arts
J’outrepassais, mignonne,
Ces oukases de césars

Pain dur, et roches brunes
Bretons absents et bagarreurs
Alors, quand vint ma pleine lune,
Je pris la route, pleine d’ardeur

J’ai commencé, toute jeune encore
A coucher sur la toile blonde
Ces débats multicolores
De la vie, sans voile ni honte

Brou de noix, encre noire
Ma plume bien trempée
Et j’esquisse vos déboires
Vos espoirs, vos vies rêvées

Mes Édens sont fleuris :
Paniers de roses, de jasmin
Je me ris de vos soucis
Problèmes du lendemain

Un poisson sec couché
Sur le bois noueux d’une table ?
Voilà non sujet trouvé :
Nature morte admirable

Et puis, vos faces meurtries
Vos gueules d’anges tombés
Me font face, me crient
De mes carnets comblés

D’esquisse en étude
De trait en à-plat vif
Je brise ma solitude
Et vogue mon esquif !

Ma barquette est pleine
De trésors amassés
Voilà toute ma peine :
Mille destins dessinés

Alors, quand je vous croise
De haut, vous de me toiser
Mais, à risque de noise
Pas la peine de comparer !

J’eus vie pauvre, mais riche
De mille beaux souvenirs
Vos poches pleines - chiche
Ne peuvent les contenir !

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