Le Jardinier
Il a passé plus de temps à genoux
Que beaucoup de moines
Prié le ciel pour la pluie ou le soleil
Scruté les nuages, senti le vent tomber
Il a ri en secret du chant des buissons
Du rouge-gorge qui le garde
Peiné du poids de l’eau à apporter
En offrande aux pieds des assoiffés
En deuil pour les troncs qui partent
Pour les cimes qui s’effondrent à néant
Fier en-dedans des fleurs qui claironnent
Pour lui seul leur concert de lumière
Petit, penché sous ses ombres géantes
Immense sous le poids des tyrans
Il jugeait, ce qui resterait vif
Et ce qui sera retranché, brûlé
Tel recevait manne, grandes eaux,
Une part de ciel
Tel autre était arraché sans bruit,
Taillé sans merci, jusqu’au sol
Il était devenu comme une ombre
Habituée des creux, des sentiers
Comme une vasque rousse et verdie,
Si familière qu’on l’oublie aux herbes
Le dernier chat devinait ses chemins
Tournait autour de ses bottes
Sa main a veillé chaque jour,
Chaque rameau, chaque bouton
Mais pas de statue, pas de buste,
Pas de plaque en sa mémoire
Le temps a creusé en lui un désert :
plus de cris, plus de jeux
Seul sur sa terre,
Il en cherche le sens perdu
Or, par-delà les nuages - en l’autre terre
Une promesse, un rêve l’attend:
Un tablier, un seau, un chapeau de paille,
Ses rameaux à chérir