La naissance du soleil
ce fut un effroi
un éclair intérieur inouï
et l’obscurité fut
soudaine, totale :
impossible nuit noire
au cœur d’un jour habituel
ce sentiment d’abîme
tout s’effondrant en lui
saisons, années, cycles et siècles
éons engloutis à l’instant
ni trombe, ni corne d’or
juste un éclat fatal et sombre
j’étais dans ma chambre, simplement
et je compris que tout avait passé
le cœur en folie, ma mère en pleurs
mon père figé, incrédule, près de la fenêtre
le soleil s’est éteint !
il est mort !
je sortis, ému et tremblant
vers ma fin dernière
plus de ciel : un mur total, noir et mat
océan sans espoir
une lueur blême et pauvre
trace encore l’arête de l’astre
confusion, cris et peur
les enfants pleurent dans les jardins voisins
second fracas !
immense, titanesque grondement !
je vis alors le soleil éclore
explosant tel une fleur lointaine
ses pans d’étoile creuse s’ouvrant
en béants pétales, rougeoyants
on eût dit une rosace éventrée
un sombre vitrail en fusion
le ciel entier devint un crépuscule
satin pourpre d'un firmament final
et, de son cœur flamboyant
descendit une pluie lente, une ondée de flocons
ils avançaient, mystérieux
tels de menus rochers de gaze
vers la terre, muette
vers chacun d’entre nous
confiant, j’en décrochais un de son orbe : présent sidéral
et je le mangeais
tous en mangeaient : c’était très, très bon
et tous, nous changions :
tout poison, toute tare, tout métal accumulé
suintait de mes pores
ma belle montre se disloquait de mon poignet
en filaments de métal pur et irisé
ma peau se couvrait de cristaux sublimes,
purifié, je les frottais pour m’en défaire
je vis toute forme, toute fabrication
par ces rayons traversants
être réduite, anéantie, dissoute
et retourner, pure et simple, à son essence
ma peau était à présent de bronze, parfaite de splendeur
et je me trouvais saint, sacré, magnifique
et c’est alors
que je me réveillai