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La barque Europe

Sur les pentes douces
D’Ixelles, ou est-ce plus loin ?
Un vaisseau d’argent

Il s’est posé en silence
Personne ne sait plus quand
Ses flancs offerts au vent

Deux mats pointus
Comme des piques de verre
Sifflent à la brise leur chant

Une onde de pierre grise
Inondée de lumière
Luit telle un cristal bleu

On ne sait vers quelle rive
Que l’on s’imagine belle
Il invite tout passant ?

S’échouant sur nos terres
Il a comblé le deuil séculaire
Marqué d’une foule de stèles

C’est son histoire de peuples
Embrasés par le temps perdu
Fatigués de leur sang

Ils ont versé sur la petite place
Une muraille formidable
Percée aux quatre vents

Son cœur est entr’ouvert
Par-delà les siècles ivres
D’une immense soif d’horizon

Sa gloire est une parole
Une banderole répandue
Qui embrasse les multitudes

Sa fierté veut se donner
Comme la main que se serrent
Des amis, amants éternels

Sa force se courbe
Vers la paume des perdus
Ils repartent libres

Sa promesse s’étend
Par-delà les montagnes
Jusqu’aux soleils lointains

Et les humbles fourbus
De partout s’y accrochent
D’un espoir fou

Un hymne clair traverse
D’ici, ou que sais-je ?
Ses bas-fonds, ses hauteurs

Simple comme le visage
D’un enfant consolé
Tous savent le chanter

On le fait encore résonner
À la face des grands mondes
Gifle aux tyrans

Dans mon cœur lourd
Encore sombre et rageur
Il rallume une flamme

Celle de la joie divine
Bonheur nu, bonté retrouvée
Au calme de l’aube

Celle d’un fils de la plaine
Qui vit naître ses voiles puissantes
M’invitant à leur bord

Celle d’un être en fuite
Fuyant le feu, la honte et la cendre
Fiels de mes haines mortes

Ô jeune joie, à peine cachée
Du voyageur mourant
Enchaîné à ses guerres !

Et, cette grande barque d’argent
Semblant enfin s’élever,
M’invite moi, de son chant ?

Oui ! Je me sens partir
Nuage léger, enfin embarqué
Vers ses rivages paisibles

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