Haro & Banco
Sur les rives du beau monde
Ils gardent leur cher cours
Qui renvoie sur son onde
À la mer sans détour
Nos rêves, nos plans, nos vies
Vivent à la petite semaine
Pendant qu’on nous étrille
Et qu’on nous taxe, de haine
On a bien de quoi vivre
Un mois moins quelques jours
Puis, sur nous l’on délivre
Les cerbères des courts
On mène une vie sans voix
Mis au banc des poissons
L’abîme des eaux nous noie
Notre bouche crie cents sons
Mais le pouvoir du peuple ?
Nous avons nos élus !
Ceux-là juste dépeuplent
Nos races qui ont déplu
Ils bombardent tant d’autres
Vers nos chemins d’exil
Que leurs barbus se vautrent
S’en frottent les mains, tranquille
Où sont donc nos héros
Nos chevaliers sans peur ?
Aux demi-siècles, hérauts,
Ils moissonnent nos malheurs
Ils se rient des baudets
Pressent les scribes d’hallalis
Dessous, derrière leurs dais
Nous vomissement telle la lie
Au profit des nantis
Ces mythes nous accablent
Nous pressent de faire partis
De jougs exécrables
Ils vouent nos corps sans armes,
Sans esprit ni futur
À leurs guerres, grandes alarmes
‘Chaos, nouveau coup dur’
Qui peuplent nos champs verts
De croix en bois, blanchi
Berceaux mis à l’enfer
Des frères tombés, occis
Leur sang coule de la rive
Dans la rivière lasse
Une nouvelle plaie arrive
Que leur place se refasse
Et chaque tourment nous vide
De nos muets espoirs
Abîme, désert aride
Voilà nos seuls grands soirs
Mais eux, hauts et au sec
Déroulent déjà, là-haut
La chape qui clouera becs
A ceux qui l’ouvrent trop
Où est passée l’âme tendre
La gentillesse des foules ?
Le fiel des pierres à fendre
A aigri toute la houle
Car la terre même
Envie aux océans
Et huile et le chrême
Des saints innocents
Face aux béats bêlants
Chantant que tout est beau
Je verse ces vers tremblants
En guise de larmes, ces mots
Car la terre même
Enviera aux océans
Et huile, et le chrême
De ses saints innocents