Force au Pardon
Souviens-toi, ô Sion
De tes grands crimes passés
Quand tes scions rebelles
Ravagèrent les peuples
Quand tes étoiles mortelles
Régnaient durement sur les autres
L’effroi muet te précédait, te fuyait
Et tu enchaînais sans pitié
Tu te vouais aux reflets de Babylone
Et oubliais ta lumière Divine
Tu te glorifiais en secret
D’exploits destructeurs inouïs
Et tes rayons impitoyables
Calcinaient l’herbe comme l’algue
Tu confondais tes vengeances sombres
Avec la justice aimante de Dieu
Et tu méprisais, et arasais
L’héritage ancien des nations
Et tes piques se moquaient
Des larmes des bêtes sous le joug
Les églises, les gerbes brûlaient vives
Sous ton regard d’acier
La mort, le mensonge, la nuit de l’oubli
Effaçait tes immenses méfaits
Les chaînes et les canons
Attendaient tes fiats discrets
On marchait, à tes ordres
En droite ligne vers la mort
Les rois, les princes, les barons
Te mendiaient leur puissance
La multitudes de leurs serfs
Peinait sous tes couronnes
Et tes vassaux assoiffés
Décimaient nos plaines, nos chaumières
Tu te plaignais de ton mur doré
En méprisant la boue alentours
Et tes coffres débordaient
De la sueur des humbles
Or, de tout ce que tu dus fuir
On ne te tint pas compte
Car tu eus déjà plus que ta part
À boire des coupes de la fureur
Et tes pauvres, tes innocents sans prix
Moururent hués, pour tes fautes
Sois donc humble, et contente
De ton modeste refuge accordé
Pour ce doux bercail promis
Loin des pêcheresses capitales
De cette misère enfin commune
Qui te rend frère de tout autre
Partage avec joie les peines du sort
Du haut de tes montagnes rabaissées
Pardonne aussi enfin aux autres
Comme tu fus pardonnée
Ne moque pas le gentil, le faible
Qui oublie ses propres blessures
C’est parce qu’il te sait pauvre
Face à tes dettes envers lui, envers Dieu
Fais d’abord deuil et mémoire
Des poutres, des piliers de jaspe en ton œil
Guéris-toi de l’orgueil enivrant
Qui aveugle ta sagesse et ta conscience
S’avouer coupable, simplement impur
C’est déjà l’eau sainte qui purifie
Car même les plus purs
Se gardent de compter juste
Chaque peuple a ses grandes ombres
Nul n’est blanc comme neige
Nous sommes tous coupables
Vainqueurs de passés impies et violents
Nul n’aura donc le droit, ni la force
De te juger selon sa haine ou sa vengeance
Car si Dieu t’aura pardonné
Qui osera encore t’accabler ?
Les regards d’airain, les nuques raides
S’inclineront toutes, comme la tienne
Et tes hauteurs, tes tours les plus puissantes
Seront néant face au Très-Haut
Mais tes bienfaits, tes dons, ta fidélité, tes miracles
Pèseront plus lourd, et te sauveront !
Ils sont le prix, la grâce, la mesure et la preuve
De l’amour qu’a pour toi l’Éternel
Souviens-toi, ô Sion
De la juste colère de tes prophètes
Des tes rois illustres et bénis
Qui s’inclinaient dans les larmes
Et ne cesse d’espérer, d’avoir confiance
En ce pardon béni, plus fort que toute faute