Canon
Quand le canon se taira
Il faudra écouter le silence
Avoir à cœur la jeune herbe
Qui pointera parmi les cendres
Quand le marchand aura compté
Ses comptes de guerre obèses
Nous mangerons notre pain dur
Nos larmes le saleront
Nos maisons se touchaient
Mais une torche maligne
A criblé nos héritages
De mille abîmes béants
Il nous faudra marcher
A travers les tombes grises
Vers l’horizon moqué
Ou se tuèrent des frères
Il faudra oser tomber
Les genoux dans la glaise
Espérer le pardon
Dans les yeux de l’autre
Il faudra sauver la terre
Déraciner la manne mortelle
Que nos blés, vifs et glorieux
Rejaillissent tels l’océan
Il faudra caresser d’huile
Les chairs meurtries, les murs sacrés
Faire renaître, encore plus belle
L’antique gloire calcinée
Le ciel ne menacera plus
Le sommeil des tout-petits
Dans les caves l’on reposera
Les prémices des récoltes
La gravité des jours noirs
Fera honte aux torves
Et du temple des berceaux
Coulera neuf, un fleuve sacré
Les fresques saintes en larmes
Béniront tout remords
Et chaque main tendue
Sera guidée par Dieu
Car de votre terre bénie
Remontera l’offrande immense
Pour le banquet des pauvres :
Vos épis lourds et généreux
Viens, ô jour ou retombe
Dans la honte, l’âme des canons !
Lève-toi, aube tant désirée
Sur cette plaine en sang !
Que les fous se taisent,
Et que les cœurs se parlent
Que l’orgueil s’écroule
Face à la vie promise
Nos deuils se connaissent :
Dès cette nuit folle
Marchons l’un vers l’autre
Une gerbe à la main