Pardonne-moi, Poète

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J'ose répondre,
pardonne-moi, poète,
à tes pages claires
à tes mots de lumière
qui mouillent mes yeux

mes yeux usés
déjà un peu plissés
par les ans qu'on efface

mes yeux inquiets
de scruter ces faces
qui vers moi s'avancent

sous ces étranges masques
sourires d'amis,
ou rires de fourbes?

passé ces portiques,
des lieux bienveillants,
ou d'autres tourments?

J'ose te demander,
dis-moi, poète,
mes yeux fatigués
qui les apaisera,
qui viendra les fermer?

est-ce la plage
aux embruns doux
malgré le sel?

est-ce l'oiseau blanc
m'attirant vers le ciel,
son éclat aveuglant?

est-ce la mer
ses vagues trop fortes
qui me poussent vers l'écume?

J'ose t'avouer,
à toi seul, poète,
que mon souffle d'avant
s'échoue entre ces rocs
aux ocres si clairs

troué de mille morsures,
poisson privé d'air
aux pieds de falaises crues,
impassibles et fières

J'ose te supplier,
éclaire-moi, poète!
ces sirènes mornes
de cargos lointains,
m'ont-elles guidé?

ce cor de chasse
d'une forêt proche
ses cris de cuivre,
m'ont-ils trompé?

peut-être vraiment
qu'une grande nuit tombe
et envoûte à nouveau
l'espoir de la terre?

qu'un autre voile sombre
partout redéroule
le noir des fumées
les rouges de sang

noirci de toutes parts
je me replie vers la tourbe
sous la force inconnue
de ces vents méchants

Ais-je encore le temps,
rassure-moi, poète,
de chercher la lumière
loin des arcs de mercure,
ses flèches de poison,
ses tirs d'airain?

Suis-je encore digne
de fuir sur une arche
vers cette terre de paix
promise à tout être?

Vers cette plaine douce
où les tons s'accordent
à la beauté d'un cœur
qui a toujours saigné

Ou les yeux en peine,
osent s'élever, tremblants,
vers ce regard bon
qui dès le commencement
pleura chaque pleur
de toutes et tous,
de chaque enfant.

Dimitri Arnauts,
par temps de fracas et de guerre,
le 6 Mars 2022

dédié au poète Aurélien Dony,
en remerciement pour ses paroles d'espoir et de lumière, qu'il partage avec tous, si généreusement

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