Nicolas
Il avait le nez pelé
En revenant de vacances
Il revenait bien bronzé
Des rives d'azur de Provence
C'était mon petit voisin
D'en face, un jeune gamin
Timide, un rien cabotin
Bricoleur et fort malin
Il avait un beau sourire
Comme un doux quartier d'orange
Et une soeur, à en mourir,
Belle et douce comme un ange
On se baladait partout
En baskets ou à vélo
Par ces routes pleines de trous
Remplis de boue sale et d'eau
On attendait le printemps
Pour aller ratiboiser
Avec des bâtons, méchants,
Les orties à peine dressées
On admirait, ce même temps,
Orchidées roses ou mauves
Gentils, on les aimait tant
Rares épis de couleurs fauves
On passait nos longs étés
A rafistoler, guingois,
Nos modestes canoés
Faits de toile, de paille, de bois
Et on se croyait pirates,
Chevaliers ou conquérants,
Radeaux lourds et voiles plates
On les traînait, transpirants
Quand les feuilles d'automne tombaient
Ces matins pluvieux et gris
Chez mes voisins je courrais
Chocolats chauds, jus de fruits !
Et les semaines de collège
Le claxon de ta maman
J'enfilais ma veste beige
Mon taxi était partant !
Les hivers, encore si blancs,
On riait par les allées
On allait en abattant
La neige des branches penchées
On roulait en sphères immenses
Neige lourde, de boue tachée,
On se lançait en tout sens
Comètes de glaces compressées
Une si gentille famille
Habitait de ce coté
Nous offrant soupe et mie
En nos grandes difficultés
Le père, jovial et rieur,
Nous apprenait la cuisine
Nicolas parfois en pleurs :
Tâches, peurs et discipline !
Dans le garage encombré
Tout à son affaire, Nico,
Avec belle dextérité
Réparait son vieux vélo
Il y avait dans le gazon,
Une tache d'herbe rousse
Marque de la belle saison
Une piscine, ou l'on me pousse
Le toboggan en plastique,
La balançoire ébréchée
Voilà les jeux fantastiques
Qui emplissaient nos journées
Il y avait ce hêtre rond
Fût géant, patte d'éléphant,
On gravait sur son vieux tronc
Initiales d'adolescent
On était une petite bande
Baroque et haute en couleurs
Par les champs et par les landes
On sifflait notre bonheur
Pour épater les passants
A nos roues fines on fixait
Petits cartons crépitants
Le boucan que l'on faisait !
Cet infernal tintamarre
Faisait place au grand silence
Quand, au bord de vertes mares
Tu pêchais avec patience
Carpes, tritons et brochets
Etaient trésors les plus chers
Quand, au bout de tes crochets
Tu les tirais de leurs mers
Tu m'as appris à pêcher
Sage, tel les marins muets
Et tes butins entassés
Dégagaient leurs bons fumets
Beurre, gros sel et romarin
Pommes de terre au feu noircies
Carpes pêchées le matin
De leurs oeufs encore emplies
Et puis, la soupe de ton père
Que je courrais apporter
A ma famille en galère
Sur notre éternel chantier
A nos années lointaines
Je lève ma tasse de café
A ces saisons sans haines
Sans peurs, sans adversités
Mieux que 'Petit Nicolas'
L'on pourrait écrire un livre
Sans malice ni fracas
Joies, simples bonheurs de vivre !
Puissent nos temps si saturés
De pixels, d'écran livides
Faire place aux nouveaux étés
Cures pour nos coeurs à vide
Puissent tous ces bons souvenirs
Emplir mon âme pour toujours
Oublier serait tarir
Les eaux vives de nos jeunes jours...
Dimitri Arnauts
Le 14 Octobre 2022