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Eden

 

Souviens-toi de l’Eden

Souviens-toi de ce temps

Car tes jours gris et ternes

Sont comptés à présent

 

Ces matins effleurés

D’une aube de nacre

Les as-tu oubliés

Couronné sans sacre ?

 

Tu t’es, depuis l’or,

Le feu, l’argent fin,

Voué âme et corps

Au plan du Malin

 

Les senteurs d’un bois

L’herbe des clairières

Ne sont plus pour toi

Que souvenirs d’hier

 

Que te doit donc l’air

Que tu le vicies 

Lui, si pur et clair,

Par tes infâmies ?

Et que te fit l’eau

Pour que tu la souilles ?

Tu n’es que fléau,

Poison, mort et rouille !

 

Tu mimes les prodiges

Ignores les miracles

Donne-toi donc au vertige

De ton vil spectacle !

 

Ton arbre scient,

Ton esprit fort,

Ton orgueil dément,

Te mènent à la mort

 

Ces tours acérées

Qui trouent le ciel

Y as-tu trouvé

Le lait et le miel ?

 

Paie donc la dîme

A tout tes césars :

Offrandes minimes

Dol aux dieux lares

 

Je ne veux plus te voir

Jeter aux abîmes

La joie et l’espoir

Ces joyaux infimes

Car je ne suis plus

La bonne nouvelle

Que tu n’as voulue,

Race rebelle !

 

Tu es le bruit,

Je suis la fureur

La lueur qui te fuit

En ta dernière heure

 

Car voici ton cortège :

Les fiers à l’avant

Puis les sacrilèges,

Et les grands puissants

 

Ensuite vient le fiel

Haineux, médisant

Cherchant la querelle

Aux cœurs d’enfant

 

Et ceux qui savent

Au néant tout réduire

Sans foi ni entraves,

Sans honte de nuire

 

Clôturant cette marche

Les corbeaux de l’horreur

Refusant en leurs arches

L’humble et bon serviteur

Rentiers du Mal

Que ces astres froids !

Pêcheresse capitale

Qui les a comme rois !

 

Tu te ris des victimes

Tu te moques des brisés

Mais ce sont tes crimes,

Qui les ont terrassés !

 

Oui, tu restas debout

Vainqueur de tes frères

Affamé d’oser tout

Victorieux délétère

 

Ou sont tes enfants

Qu’on sut sans amour

En des trous béants

Jeter aux vautours ?

 

Chaque jour vit s’éteindre

Leurs vies sans nombre

Comme est à craindre

Ton avenir sombre !

 

Tu ne passeras pas

Chargé de tes biens

Repus des repas,

Des gains, du butin

Alors que dehors

Face à tes cuirasses

Un mendiant est mort

Seul, et à ta place

 

Y crois-tu encore

A ta sauvegarde ?

Ton futur est mort

Que ta fin ne tarde !

 

Qui s’élève trop haut,

Un jour annoncé,

Au son du héraut

Sera rabaissé…

 

Pourtant ton héritage

Au berceau accordé

C’était l’Eden sans âge

Un Paradis créé

 

C’était la joie sans ombre

Les rires, les joues gênées,

De l’amour qui sait fondre

Les cœurs entremêlés

 

C’était ces arbres d’or,

Ces clairières parfumées

Les traits d’une aurore

Qui cisèlent la rosée

C’était l’immense azur

Vierge de tout effroi

Gardé d’anges purs

Marchepied du roi

 

C’était les vastes plaines

Leur duvet d’herbes folles

Et tes jambes saines

Foulant ce saint sol

 

Car ce sont bonté

Et toute-bienveillance

Qui avaient pensé

Ton devenir immense

 

Oui, c’est vrai !

Ce si bel Eden

N’était ni parfait

Ni exempt de peine

 

Je t’y voulais

Noble et droit

Ceint de respect

Pour toute ma loi

 

J’eus tant aimé

Y voir tes pas

S’inscrire légers

Auprès de moi

Je t’aurais tout dit :

Les noms véritables

Les secrets enfouis

De l’art admirable

 

Tu devais y apprendre

Qu’aimer c’est donner

Bien plus que prendre,

Donner sans compter !

 

Tu y devais enfin

Etre un gentil jardinier

Qui de ses pures mains

L’aurait parachevé

 

Que tu y fusses libre

De cueillir et planter

Etre ivre de vivre

Une si belle liberté !

 

Rappelle-toi donc ces jours

Ce temps qu’on dît béni

A présent pour toujours

Ce temps-là est fini.

 

Dimitri Arnauts
Le 14 Mars 2018

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