Eaux Vives
Ce matin-là, comme quelques fois
Des écharpes de brume pâle
S’attardent à l’orée du bois
Frêles lambeaux de passage
La nuit les a oubliées là
Souvenirs de bas nuages
L’aube à la terre annonce
Par une lueur d’Est espérée
La fin d’une nuit qui s’enfonce
En cette merveilleuse attente
De ci, de là, les coeurs altiers
Des oiseaux déjà pressentent
Faisant jaillir leurs trilles ténues
Que l’astre du jour qui se lève
Vien clore ténèbres révolues
Voici que s’illuminent ciel et terre !
Le roi soleil s’élance sur l’orbe
Exercer son divin magistère
Eclatent alors en chants de joie
Mille chœurs ailés lançant traits clairs
Depuis les cimes qui rougeoient
La merveilleuse symphonie
Réveille la maison qui dort
Désordre parfait d’harmonie
A ce joyeux piaillement
Du vieux panier sortent et s’étirent
Trois adorables chatons blancs
Blancs seulement du bout des pattes
- Noirs regards, museaux, pelages ! -
Bien vite ces minous s’entrebattent
Bondissant de feuille en touffe
Poils hérissés et dos arqué
Ils voient souris au moindre souffle
Puis un grincement familier
Soudain fige ces jeux espiègles
De diablotins vite médusés
A peine la porte entr’ouverte
Que de la cuisine déjà tiède
Bondit Pistache, vive et alerte
Haletante elle s’élance
Le long d’arcs torves mais amples
Chassant quel gibier sans clémence?
Avant qu’elle n’engloutisse proie
Un choc de chanvre l’arrête tout net
Limite et fin de sa courroie
C’est notre maman qui la tance
Allant chercher quelques frais œufs
S’étonnant de telle véhémence
Au poulailler de treillis cerclé
Elle s’amuse de voir mère poule
Suivie de sa fidèle couvée
Faire fière le tour de l’aire
Guidant sa lignée de poussins
Hochant la tête, volontaire
Un peu plus loin ; bataille de pies
Qui pour une humble mie de pain
Aux cris rêches de vieilles filles
Se lançant vilains coups de bec
Sautillent au pied d’un jeune arbre
Faisant voleter son feuillage sec
Dimitri Arnauts
Le 6 janvier 2014